Il réside dans certains marchés à destination des professionnels un niveau de technicité ou de complexité qui ne peut être simplifié. Cela peut-être dû aux produits, à la règlementation ou à la nature même des données à traiter. C’est ce que Larry Tesler, alors ingénieur chez Xerox dans les années 80 , définit comme la Loi de conservation de complexité. Selon lui, c’est au développeur ou au concepteur de faire le maximum pour absorber cette complexité résiduelle afin de ne pas la transférer du côté de l’utilisateur. Il sait de quoi il parle puisqu’il a inventé aussi le copier-coller.
Cependant, malgré tous les efforts que nous pouvons déployer en matière d’organisation du contenu, de rationalisation des parcours, de simplification de l’interface, il est parfois nécessaire d'accompagner l’utilisateur dans la prise en main de son outil.
L’interface, aussi réfléchie soit-elle, ne se suffit plus à elle-même, l’utilisateur est confronté à une surcharge cognitive qu’il faut limiter. En gros, il est un peu paumé. D’autant plus qu’une des singularités du B2B est que la fréquence d’utilisation d’un service est très variable : certains sont utilisés quotidiennement, d’autres seulement quelques fois par an. On a donc le temps de tout oublier entre deux connexions.
C’est là tout l’intérêt de s’appuyer sur un processus de dialogue entre l’interface et l’utilisateur. Cette pratique est déjà bien installée en B2C. Il suffit d’installer une application sur son smartphone pour être accueilli par quelques écrans qui faciliteront la prise en main (l’onboarding). J’ai été longtemps réservé sur cette « assistance au démarrage » que j’estime souvent superflue. Après tout, une application bien conçue devrait pouvoir être utilisée dès l’ouverture, c’est tout le rôle du designer d’interface de nos jours.
« Any product that needs a manual to work is broken. » Elon Musk
Le B2B m’a fait revoir ma position. Je n’ai jamais été autant convaincu de l’importance de ces écrans de soutien qui peuvent, non seulement accélérer la compréhension du contexte, mais aussi contribuer à la personnalité (Voice&tone) de l’application. Pour certains, l’enjeu autour de la prise en main va même au-delà du confort d’utilisation. Il s’agit non plus de recruter de nouveaux utilisateurs, mais de les garder. Et cela passe par une appropriation forte du service :
«La fidélisation (rétention) des clients est dans un sens la nouvelle conversion. Pour fidéliser, vous devez proposer une bonne une prise en main de l'expérience. La question que vous devez vous poser est : qu'est ce qui va rendre cette prise en main réussie ? Je vois pas mal d'entreprises qui me disent : « Notre coût d'acquisition est de 10$ par lead » . Seriez-vous prêt à dépenser 2 cents de plus pour augmenter les chances de convertir chacun de ces leads en clients ? Ils me répondent : «Ça paraît beaucoup ». Vous êtes en train de jeter de l'argent par les fenêtres. Le véritable challenge derrière cette phase d'appropriation est d'amener l'utilisateur à penser «Ce produit a l'air vraiment génial», plutôt que « Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?!»